T. comme terroir
« On ne dira jamais assez la puissance d’évocation d’un vin qui vient de quelque part et qui est porteur du génie du lieu qui l’a vu naître. » (Jean-Robert PITTE)
Le terroir est le fruit d’interactions complexes entre des particularités environnementales propres à un territoire délimité et des savoir-faire locaux. Ces interactions aboutissent à une alchimie particulière, et à des produits originaux particulièrement recherchés.
Le vin est souvent cité comme l’exemple par excellence de la notion de terroir. L’ensoleillement des parcelles, les précipitations, les températures, la faune et la flore, l’altitude etc. sont autant de facteurs qui vont grandement influencer les ceps de vigne, et in fine les raisins utilisés pour produire le vin.
Parmi ces facteurs, celui de la composition du sol est inévitable lorsque nous abordons les terroirs viticoles. Sous nos pieds la matière organique de la terre va apporter des tanins, responsable de l’astringence qui caractérise la sensation en bouche du vin rouge. Le sol est également source de nombreux minéraux. Plus globalement, quatre grands types différents de sols accueillent les vignes dans l’hexagone : argilo-calcaires, granitiques, alluvionnaires et calcaires.
Les cépages correspondent à des variétés de vignes plus ou moins adaptées à tel ou tel terroir. Certains sont spécifiques à une zone géographique très précise, d’autres comme le Chardonnay se sont répandus dans le monde entier. L’héritage génétique des plants de vigne est toutefois limité en France. La faute au phylloxera qui a décimé les vignobles à la fin du 19ème siècle, contraignant les vignerons de l’époque à importer des portes-greffes américains. Plusieurs viticulteurs font actuellement des tests pour ré-implanter des ceps autochtones, antérieurs à l’épidémie. C’est le cas par exemple de vignerons du Forez et du Roannais qui font revivre le cépage Gamay Saint Romain. Ce type d’initiatives en faveur de la diversité génétique et de la sauvegarde de nos terroirs est à saluer.
Les vignerons ont un défi crucial à relever : parvenir à mettre en valeur le terroir dans leurs vins. Ici, tout est question de savoir-faire. Nous pouvons citer comme exemple remarquable celui du vin jaune dans le Jura, où le savoir-faire local combiné aux caractéristiques du cépage Savagnin donne un vin à l’arôme très particulier rappelant la noisette et la vanille. Autre exemple incontournable, celui de la méthode champenoise. Ainsi, le Champagne et ses fines bulles sont issus de pratiques ancestrales : techniques d’assemblages et de pressurages, bouchon en liège permettant de capturer le gaz, dégorgement à la glace etc.
Les accords entre vins et mets sont aussi une belle démonstration de croisements réussis entre des traditions culinaires et viticoles locales. Songeons au Beaujolais et aux gratons lyonnais, ou à la raclette et aux vins de Savoie !
Si cette notion est aujourd’hui plébiscitée, elle a longtemps été péjorative. Le terroir était associé au « rustique », sous-entendu à des vins et à une gastronomie manquant de finesse. Il pouvait être interprété comme une forme d’immobilisme et de repli autour de la communauté locale.
Aussi, des historiens et géographes ont dès les années 1950 souligné que le terroir relevait davantage de l’empirisme et de faits culturels que de faits scientifiques. La minéralité du sol est t’elle réellement responsable des arômes « minéraux » des vins (cf le fameux parfum de « pierre à fusil » propre au Riesling) ? La réponse à cette question divise en effet les œnologues !
Il est certain en revanche que le terroir est devenu un argument marketing de poids ces dernières décennies. Il est in-délocalisable et peut donc être vu comme un rempart face à la mondialisation. Ceci en particulier face à la concurrence des vins de pays comme l’Australie, où la tradition viticole est relativement récente par rapport à l’Europe. Disposer de savoir-faire et de conditions environnementales rares, voire uniques, sont un avantage de taille pour se différencier des concurrents. Une véritable rente de monopole, qui permet de fixer des prix élevés. Cette stratégie a toutefois ses limites, le consommateur a aussi besoin de nouveautés et de découvertes. Les préférences actuelles des jeunes pour les vins légers font ainsi le malheur du vignoble bordelais.
L’oenotourisme constitue par contre un levier intéressant de diversification pour les viticulteurs souhaitant mettre l’accent sur l’ancrage local. L’occasion pour les visiteurs de découvrir où et comment est conçu le vin, dans quels conditions et grâce à quelles techniques.
Pour préserver nos terroirs, un cadre juridique précis a été mis en œuvre. Délimitées à l’échelle nationale par l’INAO (Institut National de l’Origine et de la Qualité), gérées localement par des Organismes de Défense et de Gestion, les « Appellations d’Origine Contrôlées » et les « Indications Géographiques Protégées » permettent de sauvegarder les caractéristiques des principaux vignobles. Les ateliers MulkoGraphiques et les ateliers Vauvenargues ont notamment réalisé de belles cartes valorisant les appellations, disponibles sur leurs sites internet respectifs ou à Saint Etienne chez Au trésor des cartes. A l’échelle mondiale, l’UNESCO peut également inscrire des terroirs au patrimoine mondial de l’humanité. C’est ainsi le cas des micro-climats qui font le charme des vins de Bourgogne.
Petit Aparté : le vin naturel vise à renforcer au maximum les relations entre les vins et leurs terroirs d’origine. Ceci en bannissant tout les apports provenant de la « chimie de synthèse ». Le résultat donne des vins très différents des vins classiques, plus bruts et au goût plus proche du fruit mais aussi plus difficiles à conserver.
Les enjeux actuels liés à l’écologie, tels que le dérèglement climatique ou l’érosion de la biodiversité, viennent percuter la notion de terroir. Cette dernière peut tout à la fois être un levier et un frein pour la transition agroécologique des vignobles. Ce sujet mérite d’être développé dans un article à part, qui sera publié ultérieurement sur le site d’Au trésor des cartes.
En espérant que cet article de vulgarisation aura contribué à vous convaincre de la nécessité de préserver nos terroirs.
Santé ! (avec modération bien entendu)